Châteauneuf (Charente). Les gendarmes ont découvert près de 60 plants de cannabis dans la serre d’un maraîcher bio
Comme un petit paradis tropical, au cœur des vignobles de Cognac. Dans un village tranquille proche de Châteauneuf (Charente), les gendarmes ont découvert par hasard une véritable jungle : près de 60 plants de cannabis sur 100 m2, dont certains culminaient à 5 m de haut, nichés dans la serre d’un maraîcher bio de 31 ans.
« Les troncs étaient grands comme ça! » mime le maire de cette commune, par ailleurs horticulteur, qui louait ses serres au maraîcher, sans jamais s’être douté de rien.
Placé en garde à vue fin octobre, Albert*, le « cannabiculteur », comparaîtra bientôt devant le tribunal correctionnel d’Angoulême pour « production de stupéfiants ». Tout en assumant leur délit, lui et sa compagne, Linda, disent avoir cessé leur consommation de cannabis, et ne pas s’en porter plus mal. Mais cette affaire a bouleversé leur vie. « Désormais, ma famille ne veut plus me voir, se désole Linda. Je vais passer les fêtes de Noël sans eux. Et j’ai peur que mon ex-mari ne tente de m’enlever la garde de ma fille. »
Pourquoi avoir planté du cannabis ?
ALBERT. Je fumais des joints depuis l’âge de 17 ans. En quantité relativement importante, et dès le réveil. J’ai toujours fait pousser du cannabis. Ça m’évitait d’avoir à aller me fournir dans la cité du coin, où il m’est arrivé de me retrouver avec un couteau sous la gorge. Je suis aussi très écolo, et ça me permettait de fumer un produit de qualité, dont je connaissais la provenance.
Les 60 pieds et 20 kg d’herbe saisis n’étaient que pour votre seule consommation personnelle ?
Les chiffres avancés sont faux. Les 20 kg évoqués correspondent à la moitié des 60 pieds, qui étaient en train de sécher. Ils étaient encore « frais », d’où leur poids. Si j’avais eu 20 kg d’herbe pure, ça aurait représenté 100000 € à la revente! Aujourd’hui, les gens me prennent pour un dangereux dealeur alors que je n’ai jamais revendu. Je faisais ça tranquillement dans mon coin. Sans prosélytisme. Jamais je ne me suis présenté un joint à la main à mes clients qui venaient acheter directement leurs légumes. Certains ont cependant vu les plants, et c’est d’ailleurs ce qui a énervé les autorités : que je sois un père de famille intégré, bosseur, apprécié, sans antécédents judiciaires, et que personne ne m’ait dénoncé.
Avec des plants d’une telle taille, n’avez-vous pas « tenté le diable » ?
2011 a été une année exceptionnelle. Le cannabis a poussé comme du chiendent. Quand j’ai vu la hauteur qu’ils prenaient, j’ai paniqué. Je n’ai pas pu me résoudre à les arracher, mais, chaque jour qui passait, je m’attendais à voir les gendarmes débarquer. Vu mon profil de « fêtard », je sais qu’ils m’avaient à l’œil.
Quelle logistique demande une telle plantation ?
Pas grand-chose. Une année comme ça, même quelqu’un qui n’a pas la main verte aurait eu des plants de 2 m. Alors imaginez un maraîcher bio comme moi… J’achetais des graines de variétés diverses sur Internet. Après, sous les serres, par 45 degrés, tout ce qu’il fallait, c’était de l’eau en quantité.
Regrettez-vous ce délit ?
J’assume parfaitement. Pour moi, je n’ai rien fait de mal. A part faire pousser une simple plante. Je n’ai jamais fait la sortie des écoles avec de l’herbe en poche. Et, quand nous consommions, c’était à l’abri du regard de nos enfants.
Vous avez pourtant arrêté de fumer du cannabis…
Au départ, c’était contre mon gré. Je préférais être « clean », au cas où la justice m’astreigne à une obligation de soins. Depuis un mois, je ne fume plus, et je ne reprendrai pas. C’est de l’histoire ancienne. C’est vrai qu’au niveau santé je me porte beaucoup mieux. Avant, j’avais des problèmes intestinaux qui avaient nécessité des hospitalisations. Ils ont disparu.
Qu’est-ce que votre arrestation a changé ?
D’abord, le regard des autres. J’ai arrêté de vendre mes légumes sur les marchés. Parmi mes clients, au-delà des indifférents, il y avait ceux qui me prenaient pour un criminel. Et les autres, dont des fumeurs qui ont découvert que « j’en étais », qui me soutenaient. Je suis maintenant dans une situation financière catastrophique. Et je sais que je vais devoir payer une forte amende.
* Le prénom a été changé.
Source : Le Parisien
A lire aussi: Rien qu'un babacool qui faisait pousser.